Ultim Boat
27 nov. 2024
Pour leur tentative de record sur le Trophée Jules Verne
La tension monte dans le petit monde des Ultims. Deux des plus impressionnants multicoques océaniques à foils, le Sodebo Ultim 3 mené par Thomas Coville et le SVR Lazartigue de François Gabart, sont en stand-by pour une tentative de record sur le Trophée Jules Verne, ce mythique tour du monde à la voile en équipage sans escale et sans assistance. Après plusieurs jours d’attente, les équipes sont passées en Code Orange, ce qui signifie qu’un départ est envisageable dans les prochaines 72 heures, si la fenêtre météo se confirme.
Cette bascule du Code Rouge à l’Orange marque un tournant dans les préparatifs à Lorient La Base pour Sodebo Ultim 3 et à Concarneau pour SVR Lazartigue.
Le Trophée Jules Verne est l’un des défis les plus prestigieux de la course au large. Depuis que l’équipage d’IDEC Sport, mené par Francis Joyon, a établi le record à 40 jours, 23 heures, 30 minutes et 30 secondes en 2017, ce chrono reste une référence redoutable. Avec des bateaux encore plus performants et des équipes de routage affûtées, Thomas Coville, François Gabart et leur équipage, visent à faire tomber ce temps, un exploit nécessitant à la fois une météo idéale et une coordination parfaite à bord et il faut bien le reconnaître une dose de réussite.
Pour ces deux Ultims de dernière génération, chaque détail compte. Ces trimarans à foils sont capables de dépasser les 40 nœuds de vitesse moyenne sur plusieurs jours. Le défi ne réside pas uniquement dans leur potentiel technique, mais aussi dans la capacité des équipages à tirer le meilleur parti de ces machines extrêmes sur un parcours semé d’embûches météorologiques et marines.
En course au large, le stand-by est une période charnière. C’est un moment où la tension et l’incertitude cohabitent. Alors que l’équipe technique peaufine les derniers ajustements, les navigateurs et routeurs analysent en continu les modèles météo.
Les deux équipes sont à la merci de l’Atlantique Nord, une région connue pour ses systèmes dépressionnaires complexes. La phase de stand-by implique de jongler entre plusieurs priorités :
Identifier la fenêtre idéale : Cela inclut un départ sous des vents portants stables depuis la ligne entre Ouessant et le Cap Lizard.
Maximiser la vitesse dans l’Atlantique Sud : L’équateur doit être atteint en moins de 5 jours pour rester compétitifs.
Prendre des décisions rapides : Le stand-by peut basculer à tout moment en Code Vert, signifiant un départ imminent, avec l'avitaillement à terminer pour ce qui est des produits frais.
Deux équipes, deux visions
Thomas Coville est un vétéran des records en solitaire comme en équipage. À la barre de Sodebo Ultim' 3, il s’appuie sur une équipe renouvelée mais aguerrie et un bateau constamment amélioré depuis sa mise à l’eau en 2019. Sodebo Ultim' 3 est un bateau robuste, conçu pour maintenir de hautes vitesses tout en restant polyvalent.
François Gabart, surnommé le "petit prince des océans", est connu pour son audace et son approche innovante. Le SVR Lazartigue, mis à l’eau en 2021, est le plus récent des Ultims en lice. Ce bateau est une prouesse technologique, intégrant les dernières avancées en hydrodynamique et en aérodynamique.
Si la fenêtre météo se confirme, les deux trimarans quitteront leurs ports respectifs pour rallier la ligne de départ entre Ouessant et le Cap Lizard. Cette zone est sous le contrôle du WSSRC (World Sailing Speed Record Council), garant de la validité des records.
Le départ est une phase critique. Une fois la ligne franchie, les équipages chercheront à exploiter les vents portants générés par une dépression située sur l’Atlantique Nord. Voici les étapes probables du début de leur parcours :
Sud-Ouest jusqu’au Cap Finistère : À grande vitesse, les bateaux se placeront idéalement pour traverser l’équateur.
Recalage à l’Ouest : En évitant les zones de hautes pressions et en anticipant la direction des alizés, les équipages ajusteront leur trajectoire.
Objectif : l’équateur en moins de 5 jours : Ce jalon est essentiel pour rester dans la course au record.
Naviguer sur un Ultim' à foils est une entreprise titanesque. Ces machines volantes, qui s'élèvent complètement hors de l’eau, soumettent les marins à des contraintes physiques et mentales extrêmes. À bord, tout est optimisé pour la performance. La cellule de vie est réduite à leur strict minimum, et chaque membre d’équipage alterne entre des quarts de manœuvres et de courts moments de repos. Avec des vitesses pouvant atteindre 850 milles nautiques parcourus en 24 heures, chaque décision a des conséquences majeures. Les routeurs à terre jouent un rôle crucial, travaillant en tandem avec les skippers et leur navigateur à bord (Nicolas Troussel et Benjamin Schwartz pour Sodebo et Pascal Bidegorry et Tom Laperche pour SVR Lazartigue), pour maximiser la trajectoire.
Si l’Atlantique Nord est stratégique pour le départ, le vrai test commencera dans l’Atlantique Sud. Voici les étapes clés à surveiller :
Passage de l’équateur : Une transition rapide entre les alizés de l’hémisphère Nord et ceux de l’hémisphère Sud est cruciale.
Contournement de l’anticyclone de Sainte-Hélène : Cette vaste zone de haute pression oblige souvent les bateaux à effectuer des détours, allongeant leur route. Et il faut que le timing soit quasi parfait pour attraper au large du Brésil une dépression qui va les pousser rapidement sur l'océan Indien.
Le Grand Sud : Le passage sous l’Afrique du Sud marque l’entrée dans les mers australes, où les tempêtes et les vagues géantes sont la norme.
Bien que Sodebo Ultim' 3 et SVR Lazartigue ne soient pas en confrontation directe, la simultanéité de leur tentative crée une émulation unique. Chaque équipe sait que l’autre pousse à fond ses capacités et peut aussi se sentir rassurer d'avoir un autre bateau à proximité, en cas de pépin. Ce duel ajoute une dimension spectaculaire à cette quête du record. Mais il ne faudra pas non plus aller trop loin dans cette confrontation, pour battre le record, il faut déjà terminer ce tour du Monde. Et surtout garder le plus longtemps possible, l'intégralité des capacités des trimarans et des hommes.
Si les deux équipages parviennent à franchir l’équateur en moins de 5 jours et le cap de Bonne-Espérance sous 12 jours, les chances d'aller chercher le record de l'équipage de Francis Joyon seront de l'ordre du possible.
Avec le Code Orange activé, les regards des équipes sont tournés vers les modèles météo des prochains jours. Thomas Coville et François Gabart ainsi que leur équipage, s’apprêtent à défier les océans sur des machines de haute volée. Leur objectif : repousser les limites de la technologie pour s'emparer du Trophée Jules Verne.
Le suspense est total. La prochaine étape est désormais attendue avec impatience : le passage en Code Vert, signal du départ vers une aventure hors normes. Qui des deux équipages inscrira un nouveau chapitre dans l’histoire de la course au large ? Réponse dans les semaines à venir...