

Ultim Boat / Photos : Ferrari Hypersail - Nicola Xella
25 juin 2025
Un monocoque ultime pour la course au large
Dans l’enceinte même de son siège historique, Ferrari a levé le voile aujourd’hui sur un projet qui marque une rupture stratégique dans son histoire : l’arrivée de la marque au Cheval cabré dans l’univers de la course au large. Baptisé Ferrari Hypersail, ce nouveau défi mêle innovations issues du sport automobile et ambitions nautiques, avec un premier monocoque océanique de 100 pieds annoncé pour 2026. Ce voilier d’un genre inédit a été conçu pour "voler" au-dessus de l’eau grâce à un système de foils et une autonomie énergétique totale, sans moteur à combustion.

Une ambition affirmée pour la haute mer
C’est Giovanni Soldini, navigateur de renom et responsable du projet, qui a présenté les grandes lignes de ce bateau pas comme les autres. Entouré de John Elkann, président de Ferrari, et de plusieurs membres de l’équipe de conception, il a détaillé les contours d’un monocoque à la fois laboratoire technologique et machine de course.
Le navire, toujours en construction en Italie, sera lancé courant 2026. Aucun calendrier précis n’a été communiqué, mais l’équipe a confirmé que les premiers tests sur l’eau seraient réalisés dans la foulée. Ce bateau vise à explorer des territoires encore peu abordés dans la navigation hauturière moderne : autonomie énergétique complète, architecture de vol novatrice, matériaux de haute technologie, et pilotage assisté par des systèmes dérivés de la Formule 1.

Un bateau de 100 pieds sur trois points d’appui
L’Hypersail Ferrari a été dessiné par l’architecte naval français Guillaume Verdier, déjà bien connu dans le monde de la course au large pour ses contributions à l’IMOCA et à la Coupe de l’America. Le principe de vol repose sur trois points d’appui : un foil monté sur une quille basculante (un dispositif jamais vu à ce niveau), un foil de gouvernail à l’arrière, et un troisième point fourni alternativement par l’un des deux foils latéraux.
Ce type de structure vise à maximiser la stabilité en vol et à limiter les contacts avec l’eau, tout en réduisant les frottements. Ferrari s’est appuyée sur ses expertises en aérodynamique et en gestion de l’énergie pour développer un système de contrôle de vol inspiré de ceux utilisés dans ses voitures de sport. Ce transfert technologique entre terre et mer est au cœur du projet Hypersail.

Le choix de l’autonomie énergétique
Autre dimension marquante du projet : l’autonomie énergétique totale. Le bateau fonctionnera uniquement grâce à des sources renouvelables – énergie solaire, éolienne et cinétique. Il ne disposera d’aucun moteur thermique embarqué. Tous les systèmes à bord (contrôle des foils, quille, gouvernail, ordinateurs, communications, etc.) devront puiser dans une énergie produite en navigation.
Cela implique une optimisation poussée de tous les équipements à bord et un arbitrage constant entre performance et sobriété. Ferrari revendique une gestion énergétique de précision, afin de garantir une exploitation sécurisée du voilier dans des conditions extrêmes, sans soutien externe. Cette approche, qualifiée d’ambitieuse, a déjà conduit au dépôt de neuf brevets, et six autres sont en cours de finalisation.

Une équipe transversale et pluridisciplinaire
Le développement du bateau mobilise actuellement environ 20 personnes à temps plein, appuyées par une équipe élargie d’environ 90 autres collaborateurs issus de Ferrari, de partenaires industriels et d’experts nautiques. Cette structure légère et agile est à l’image de l’ambition du projet : intégrer des compétences issues de mondes très différents, faire coexister cultures automobile et maritime, et créer une synergie concrète entre deux univers historiquement éloignés.
À la tête de ce projet, Giovanni Soldini apporte son expérience de plus de 30 ans dans la course au large, en solitaire comme en équipage sur toutes sorte de supports (Open 50, IMOCA60, ORMA60, VOR70, MOD70). Il a précisé que l’équipage du bateau serait limité, vraisemblablement entre huit et douze personnes. L’objectif est de garantir la réactivité, tout en assurant une maîtrise complète des systèmes embarqués dans un environnement contraint.

Une innovation sans compétition immédiate
Interrogés sur les perspectives sportives de l’Hypersail, ni John Elkann ni Giovanni Soldini n’ont souhaité s’engager sur des événements précis. Le président de Ferrari a écarté une participation à la Coupe de l’America, évoquant un cadre réglementaire trop rigide pour accueillir un tel prototype qui lui n'a pas de limite de conception. Giovanni Soldini a de son côté insisté sur la complexité du projet : "Avant de parler de compétition, nous devons d’abord terminer ce que nous avons commencé, faire naviguer le bateau, le fiabiliser, apprendre. Ensuite, seulement, nous verrons ce que nous pouvons envisager".
La phase de mise au point, qualifiée de « débogage », est annoncée comme l’une des étapes les plus critiques du projet. Aucune échéance sportive n’a donc été fixée. Ferrari adopte ici une posture expérimentale, avec une attention portée sur la R&D, plus que sur une confrontation immédiate avec les autres acteurs de la course au large.
Un hommage au passé et une vision pour l’avenir
Le nom Hypersail est un clin d’œil direct aux Hypercars développées par Ferrari pour les courses d’endurance, dont la marque a récemment dominé les 24 Heures du Mans. Pour John Elkann, ce projet nautique est une continuité logique dans l’exploration des limites de la technologie et de la performance : "Concevoir un yacht pour la navigation hauturière est sans doute l’expression ultime de la résistance".
Si ce projet marque une première pour Ferrari dans le domaine de la voile, il ne semble pas s’agir d’un coup isolé. L’entreprise envisage d’utiliser cette plateforme pour tester de nouvelles idées, affiner ses technologies, et potentiellement les réinjecter dans ses véhicules terrestres. Inversement, plusieurs innovations issues du programme Hypersail pourraient demain trouver des applications dans le secteur maritime, voire dans d’autres formes de mobilité durable.

Une porte ouverte sur les océans
Ferrari se lance donc dans un défi qui dépasse largement les frontières de la régate. Avec Hypersail, la marque aborde l’océan comme un nouveau terrain d’expérimentation et d’endurance. Le projet, encore à ses débuts, intrigue autant qu’il suscite la curiosité. Il ouvre aussi un nouveau chapitre dans le dialogue entre automobile et voile de compétition, dans la continuité de l’hybridation des savoir-faire et des enjeux énergétiques.
Dans les mois à venir, l’évolution de ce projet sera scrutée de près. L’envie de voir ce monocoque de 100 pieds s’élancer et « voler » au large, avec ses foils et sa silhouette inédite, risque de nourrir bien des attentes. Pour les passionnés de course au large, pour les amateurs de technologie, ou tout simplement pour ceux qui suivent les aventures humaines autour du monde, le projet Hypersail pourrait bien devenir l’un des points d'intérêts majeurs de la voile des années à venir...
John Elkann, Président de Ferrari : "Hypersail est un nouveau défi qui nous pousse à dépasser nos limites et à élargir nos horizons technologiques. En même temps, il s'inscrit dans la tradition Ferrari, en s'inspirant de notre Hypercar, trois fois vainqueur des 24 heures du Mans. Concevoir un bateau pour la navigation hauturière est peut-être l'expression ultime de l'endurance. Giovanni Soldini est un pilier fondamental de ce projet, tant pour ses exploits de navigateur que pour son expérience inégalée en matière de développement et de construction navale. L'immense travail d'équipe avec Ferrari et Guillaume Verdier aboutira à un bateau unique qui survolera les océans et qui représente également une opportunité d'innovation pour le monde nautique et automobile.".
Giovanni Soldini, directeur du team Hupersail Ferrari : "Je suis heureux et honoré de pouvoir participer à cette aventure. Un défi passionnant qui s'appuie sur une équipe absolument unique réunissant l'excellence Ferrari et les compétences de designers spécialisés dans la voile océanique. La rencontre de cultures différentes et de technologies avancées permet de construire un bateau révolutionnaire à bien des égards. D'un point de vue nautique, il est innovant dans sa construction et dans sa façon de voler ; sur le plan des systèmes, la contribution de Ferrari met l’accent sur le développement de commandes inédites à bord. Pour nous préparer au mieux à la variabilité et à la puissance des phénomènes et des conditions auxquels nous sommes confrontés dans l'océan, la priorité est de trouver un équilibre entre la recherche de performances extrêmes et la fiabilité maximale".