Ultim Boat - Photo : polaRYSE / Gitana SA / Gitana Team
5 mai 2025
A quatre mois de la mise à l'eau à quoi pourrait ressembler le nouveau trimaran de Charles Caudrelier
A quatre mois de la mise à l’eau du Gitana 18, il est temps de réaliser une synthèse de ce qui a été communiqué par le Gitana Team depuis l’annonce du projet et jusqu’à la récente visite du chantier chez CDK Technologies à Lorient. L'écurie Gitana a officiellement annoncé la construction d'un nouveau Maxi Edmond de Rothschild, baptisé Gitana 18. Cette annonce a été faite le 7 décembre 2023 à Paris. Le projet s'inscrit dans la longue saga maritime de la famille De Rothschild, qui a toujours visé l'innovation et l'excellence.
Pourquoi un nouveau bateau ?
La décision de lancer la construction de Gitana 18 a été prise après des mois d'études et de réflexions, actée courant novembre 2023. Plusieurs projets ont été présentés à madame Ariane de Rothschild, dont un projet IMOCA (monocoque) pour courir le Vendée Globe, une épreuve qui manque au palmarès du team. Cependant, l'ADN de Gitana est le multicoque et depuis Gitana XV, le multicoque volant, et il a été décidé de rester fidèle à cette voie.
L'équipe, y compris Charles Caudrelier et le bureau d'études, était convaincue qu'il était possible de réaliser des gains significatifs par rapport à Gitana 17. Bien que Gitana 17 ait été très performant et ait "presque tout gagné", l'équipe a identifié des points faibles et des marges de progression importantes, notamment en aérodynamisme et en hydrodynamisme. Charles Caudrelier a noté que, si Gitana 17 reste une référence, il y a des allures où d'autres bateaux ont progressé, et Gitana 18 vise à "boucher les trous" pour redevenir plus performant. Les sept années d'exploitation de Gitana 17 et la quantité considérable de données collectées (plus de 200 000 milles parcourus) constituent une base précieuse dans la conception du nouveau trimaran.
L'équipe estime n'être qu'au début de la connaissance du vol océanique. Gitana 18 représente une opportunité de mettre en œuvre toutes les idées accumulées et de repartir d'une "page blanche”, avec un potentiel de développement bien plus important que si des améliorations avaient été faites sur Gitana 17. L'équipe cherche à franchir un "nouveau step", une "nouvelle rupture technologique".
Conception et Design Team
Gitana 18 est le fruit d'une collaboration entre plusieurs acteurs clés :
Guillaume Verdier : Architecte principal, connu pour son rôle dans la conception de Gitana 17 et ses innovations dans le vol, notamment sur la Coupe de l’América via le défi Néo-Zélandais.
Bureau d'études Gitana : Dirigé par Sébastien Sainson, cette équipe de huit personnes (doublé depuis 2017) est fortement impliquée dans la conception et le développement.
Benjamin Muyl : Architecte naval, ayant notamment travaillé sur le défi français Orient Express pour la Coupe de l’América.
La collaboration entre Guillaume Verdier et le bureau d'études Gitana est décrite comme un "design team unique", travaillant en transparence et partageant des idées qui peuvent parfois sembler "farfelues" au début. Ils s'appuient sur l'expérience et les données de Gitana 17.
Sébastien Sainson, responsable du bureau d'études, souligne l'importance d'aller sur l'eau pour comprendre et analyser le comportement des bateaux en navigation. Le bureau d'études a intégré la compétence structure, permettant de modéliser la plateforme et de vérifier sa résistance aux sollicitations. Ils développent aussi des outils en interne pour maîtriser leurs sujets et prendre des risques calculés.
Le processus de conception a impliqué l'utilisation d'outils modernes, comme la réalité virtuelle, qui a permis à Charles Caudrelier de visualiser et de repenser l'aménagement intérieur du cockpit et de la cellule de vie.
Caractéristiques et Objectifs
Gitana 18 sera un Ultim de 32 mètres de long et 23 mètres de large, respectant le cadre architectural de la classe Ultim’. L'idée d'un catamaran avec une zone de vie centrale a été écartée pour des raisons de sécurité.
Malgré une géométrie de plateforme similaire à Gitana 17, les deux bateaux seront très différents. Les deux grands axes du cahier des charges sont l'amélioration du "moteur" (voiles et tout ce qui est au-dessus du pont) et la limitation de la traînée.
Aérodynamisme : Un effort important y est consacré. Le bateau est construit autour d'une nouvelle règle de visibilité, introduite suite aux débats autour du pont bas de SVR-Lazartigue. La visibilité est considérée comme importante par l'équipe Gitana. Le cockpit a été allongé, optimisé aérodynamiquement, avec un pont abaissé dans la coque centrale. Le barreur devrait dépasser de la coque à hauteur d'épaule, pas juste de la tête. L'intégration du cockpit comme élément structurel est une grande nouveauté, apportant un gain en poids et une meilleure répartition des efforts.
Hydrodynamisme et Appendices : L'ensemble des appendices (foils, safrans, dérive aile de raie) sera revu pour voler plus tôt. Ils bénéficieront de l'expertise acquise sur Gitana 17. Les études montrent un potentiel pour gagner en vol océanique. L'équipe explore l'option de foils en "T" inversé ou moins en "L", qui pourraient être basculants, potentiellement plus légers et offrant une meilleure sensibilité/réactivité avec des volets de bord de fuite. Cela pourrait aussi permettre de repositionner les safrans de flotteur plus à l'intérieur.
Performance : Gitana 18 est pensé pour être encore plus typé pour les grandes traversées et défis, visant à améliorer les performances à hautes vitesses dans les mers formées. L'objectif n'est pas de viser des moyennes de 50 nœuds, mais d'améliorer les performances à basse vitesse pour décoller plus tôt (potentiellement dès 12-13 nœuds au lieu de 14-15 pour Gitana 17). Des gains de performance de 10 à 20% sont attendus. Mais aussi d’améliorer toutes les vitesses moyennes, et voler encore plus longtemps.
Voiles et Gréement : Le règlement de la classe laisse de la place pour l'innovation dans ce domaine. Des rumeurs évoquent une seconde peau pour la grand-voile, similaire à celle utilisée en Coupe de l'América. Le mât, construit en Nouvelle-Zélande, devrait intégrer de nombreuses innovations, dont un étage de barres de flèche, du "jamais vu sur l'espar d'un Ultime. Mais déjà vu sur un mât aile de multicoque : elf aquitaine II dans sa deuxième version et ce qui devait être son quatrième mât, skippé par le regretté Jean Maurel.
Intégration du Marin : l’Intégration du marin est un critère important, avec la recherche de solutions innovantes pour minimiser les impacts. Un effort particulier a été fait pour mieux intégrer le marin dans la plateforme, car les efforts sont considérables et il est de la responsabilité de l'équipe de rendre cela plus accessible.
L'aménagement intérieur (cockpit, cellule de vie/studette inspirée du trimaran Macif) a été conçu pour offrir plus d'espace et optimiser l'ergonomie. Il sera possible de sortir la tête sous une visière protectrice pour barrer.
Structure : La forme de la coque centrale a été dessinée pour un meilleur passage dans la mer. Une virure de 10 cm de large de chaque côté, le long de la coque centrale, débutant à 1 mètre de l'étrave, doit éviter les remontées d'eau et favoriser le passage dans la mer. Le bateau sera plus léger que le Gitana 17. Mais pas forcément plus léger que le SVR Lazartigue.
Construction
La construction de Gitana 18 a été confiée à CDK Technologies à Lorient. Le chantier a été choisi pour son expertise dans la construction d'Ultim’ et des IMOCA 60, la qualité de ses infrastructures et sa proximité avec la base Gitana à Lorient. Stéphane Digard dirige les équipes de CDK Group. La construction est supervisée par Pierre Tissier, le directeur technique de Gitana.
La pose des premiers plis de carbone a débuté fin décembre 2023. L'équipe de CDK s'attend à ce que le projet demande environ 100 000 heures de travail.
Une innovation majeure dans la construction est l'utilisation d'un autoclave de 25 mètres de long et 4 mètres de diamètre chez CDK. Cet outil permet de cuire sous vide à 200 degrés et 19 bars de pression. Pour la première fois, la coque centrale est construite quasiment en une seule pièce dans cet autoclave, sans jointure au milieu des deux demi-coques. Cela permet de réduire la porosité, gagner en rigidité et en matière, et obtenir un gain de 20% en compression mécanique. Grâce à cela, le fond de coque est plus robuste sans ajout de matière. Seule l'étrave et l'arrière ont été ajoutés après, l'ensemble ne tenant pas dans l'autoclave.
Les moules des bras de liaison de Gitana 17 ont été réutilisés, ce qui a permis de gagner du temps et de s'appuyer sur des données fiables. Actuellement, les coques les bras et flotteurs sont quasi assemblés, et le design des appendices est finalisé et l’équipe et les intervenants vont débuter l’équipement de mai à août 2025, avant de passer aux dernières finitions et à la mise à l’eau en septembre 2025
Confidentialité et Suivi
Le chantier est mené dans le plus grand secret pour ne rien montrer à la concurrence. Les visiteurs, y compris les journalistes, doivent déposer leurs téléphones à l'entrée. Malgré ces précautions, il est difficile de rendre le chantier totalement étanche aux fuites d'informations, car l'espionnage fait partie du jeu dans le milieu de la course au large où tout le monde se connaît. Cependant, Cyril Dardashti estime avoir réussi à garder les secrets principaux.
Un élément clé du suivi est l'intégration du marin. Charles Caudrelier est pleinement impliqué dans la construction. L'équipe suit de près le chantier, calculant la masse après chaque étape et la transmettant aux équipes de Guillaume Verdier pour intégration dans leurs simulateurs. Charles Caudrelier et Erwan Israël naviguent également sur un simulateur plusieurs fois par semaine pour tester des configurations, notamment les foils, et de voiles avant même la mise à l'eau. Pour la première fois sur un multicoque océanique, les marins auront des heures de navigation, avant la mise à l’eau, ce qui fera forcément gagner du temps.
Le bateau sera bardé de capteurs : environ 450 contre 300 sur Gitana 17. Ces capteurs, parfois noyés dans le carbone, mesureront en continu les pressions et déformations sur la structure, permettant une analyse des données pour optimiser les performances et la résistance. Le volume de données collectées sera multiplié par 1,5.
Calendrier et Avenir de Gitana 17
La mise à l'eau de Gitana 18 est prévue pour septembre 2025. La première course envisagée est la Transat Café de L'OR (ex-Transat Jacques Vabre), dont le départ est donné le 26 octobre 2025. Participer dès cette course après une mise à l'eau en septembre est ambitieux et dépendra de l'état d'avancement et des premières navigations. Le grand objectif à moyen terme est la Route du Rhum 2026, où Charles Caudrelier, s'il rempile, vise la victoire pour défendre son titre et célébrer les 150 ans de la lignée Gitana. L'équipe vise également des tentatives de records, comme le Trophée Jules Verne.
Concernant Gitana 17 (l'actuel Maxi Edmond de Rothschild), sa vente au Team Actual est effective depuis début 2025. Il est devenu Actual Ultim’ 4. Le prix de vente estimé se situait entre 13 et 15 millions d'euros, avec l’option qui comprend un accompagnement et un transfert de connaissances. Actual Ultim’ 4 est en cours de préparation et à la mise sous ses nouvelles couleurs juste à côté dans un autre hangar de chez CDK Technologies.
En résumé, Gitana 18 s'annonce comme une évolution majeure, capitalisant sur l'énorme expérience acquise avec Gitana 17 pour repousser encore les limites du vol océanique, avec des avancées significatives attendues en aérodynamisme, hydrodynamisme et intégration du marin, le tout construit avec des techniques de pointe et dans un grand secret.
Gitana 18 les dates clefs :
Début des études en novembre 2022
Décision de lancer le projet : Novembre 2023
Lancement de la construction : décembre 2023
Fabrication de la coque centrale : d’avril à novembre 2024
Fabrication des bras de liaison : de janvier 2024 à janvier 2025
Fabrication des flotteurs : de mai 2024 à mars 2025
Assemblage de la plateforme : de novembre 2024 à juillet 2025
Equipement : de mai à août 2025
Date de la mise à l’eau : Septembre 2025
Gitana 18 les chiffres clefs :
Nombre d’heures d’études nécessaires à la conception du Gitana 18 : 56 000 h (contre 35 000 h pour G17)
Durée de la construction : 21 mois
Durée de la construction en heures : 100 000 heures (70 000 h pour Gitana 17)
Longueur : 32 m
Largeur : 23 m
Gain en compression mécanique sur la construction de la coque centrale : 20 %
Coque cuit à 200 degrés par 19 bars de pression
Largeur de la virure sur la coque centrale : 10 cm et part et d’autres de la coque
400 à 450 capteurs connectés via la fibre optique (contre 300 sur Gitana 17)
Longueur de fibre optique à bord : 1 km
Nombre de données générés par 24 h de navigation : 975 millions (contre 650 pour Gitana 17)
Nombre de plans porteurs : 6 (2 foils, 1 dérive centrale à aile de raie, 2 safrans de flotteurs et 1 safran de coque centrale)
Vitesse de décollage prévue : 12/13 nœuds (contre 14/15 pour Gitana 17)
Prix : entre 16 et 18 millions d’euros. (Prix de vente du Gitana 17 entre 13 et 15 millions d’euros)
Gitana 18, les principaux intervenants pour la conception et la construction :
Conception : Guillaume Verdier, Benjamin Muyl, Bureau d’étude Gitana
Construction de la plate forme et assemblage : CDK Technologie Lorient
Construction de pièces diverses : Gitana Team et C3 Technologie Lorient
Construction mât : Southern Spars en Nouvelle Zélande
Nombre d’intervenant sur le chantier : + de 200 personnes durant l’ensemble de la construction
Ci-dessous, l'article sous forme de Podcast, c'est une première et cela grâce à NotebookLM. Ce n'est qu'un test, à vous de voir et de me dire si cela apporte un plus.