Guillaume Pirouelle s'impose en Martinique
- Ultim Boat

- Nov 19
- 6 min read
C’est l’une des plus grandes arrivées de l’histoire récente de la Class40. Un final tendu comme un ris dans la baston, une régate transatlantique jouée à la seconde, et au bout du suspense, la victoire de deux Normands aussi discrets que redoutables : Guillaume Pirouelle qui est aussi équipier sur l'Ultim' Sodebo Ultim' 3 et Cédric Château, à bord de Seafrigo-Sogestran, vainqueurs de la 17e édition de la Transat Café L'OR Normandie Le Havre.
Ils s’imposent à Fort-de-France après 19 jours 2 heures 34 minutes et 46 secondes de course cumulée, au terme d’un mano a mano haletant avec Corentin Douguet et Axel Tréhin (SNSM Faites un don !), qui échouent à 7 minutes 21 secondes au classement général. Une marge infime à l’échelle des près de 5 000 milles parcourus.

Une arrivée suffocante : 21 minutes pour écrire l’histoire
Il est 15 h 57 min 43 s, heure locale, lorsqu’une voile blanche surgit au large du Cap Salomon. Seafrigo-Sogestran approche de la ligne d’arrivée. Sur le pont, Guillaume Pirouelle et Cédric Château savent que rien n’est gagné : ils doivent franchir la ligne avec plus de 21 minutes 38 secondes d’avance sur SNSM, acquises lors de la première étape vers La Corogne où Corentin Douguet- Alex Tréhin s’étaient imposés. Ils coupent la ligne. Le chronomètre démarre.
Vingt-huit minutes plus tard, les apparitions de mât se multiplient. Le stress est total. Puis, à 16 h 26 min 42 s, SNSM Faites un don ! surgit dans la baie. Verdict : 28 minutes 59 secondes d’écart. Le duo normand l’emporte pour 7 min 21 s.

Un duel tactique d’une intensité rare
Une première étape maîtrisée à La Corogne
Corentin Douguet et Alex Tréhin avaient donné le ton dès le départ du Havre où ils étaient les grands favoris après avoir tout gagné depuis le début de saison, menant une flotte de Class40 de 42 bateaux jusqu’à La Corogne. Ils signaient une première manche parfaite, remportée 21 minutes devant Seafrigo-Sogestran.
Route nord contre route sud : deux philosophies, un océan
Au départ de l’étape transatlantique, la flotte éclate :
SNSM choisit le nord, une option courte mais dantesque : trois dépressions, du vent debout, une mer cassante. Ils creusent pourtant un écart énorme, jusqu’à 370 milles d’avance sur Seafrigo-Sogestran, et mènent la course pendant des jours.
Seafrigo-Sogestran, lui, glisse vers le sud, plus long mais plus stable, à la recherche des alizés. Un choix mesuré, une stratégie de patience.
À un moment, les deux routes sont séparées par 900 milles latéralement. Guillaume Pirouelle et Cédric Château plongent jusqu’à la 13e place, avec 230 milles de retard. Mais leur progression dans les alizés est exemplaire. Mille après mille, ils refont leur retard, puis prennent la tête quatre jours avant l’arrivée.
La fin ? Un thriller. Encore à 24 heures de Fort-de-France, seuls 4,5 milles séparent les deux routes, qui convergent à 10 nœuds de moyenne. Le reste appartient désormais à la légende.
Seafrigo-Sogestran : la revanche des Normands
Cette victoire dépasse le strict cadre sportif : c’est une histoire de résilience, de talent et de revanche.
Une saison 2025 impeccable
Guillaume Pirouelle et Cédric Château arrivaient parmi les favoris, après une très belle première partie de saison :
2e de la Normandy Channel Race
3e des Sables – Horta
vainqueurs de la 40 Malouine La Trinquette
"Il nous restait à mettre un point sur l’épreuve majeure : la Transat Café L’OR", glisse Cédric Château à l’arrivée.
Deux ans après la galère de 2023
En 2023, leur transat s’était arrêtée à la première bouée, percutée par un autre bateau. En 2024, leur Class40 est foudroyé après la Caribbean 600, laissé bien abimé à 950 milles des côtes. Une mission de récupération périlleuse menée… depuis la Martinique. Ironie magnifique : c’est ici qu’ils triomphent.
La Normandie encore au sommet
Après Charlie Dalin (Vendée Globe) et Alexis Loison (Solitaire du Figaro), Guillaume Pirouelle et Cédric Château confirment la vitalité exceptionnelle de la filière havraise. Deux marins complémentaires :
Guillaume Pirouelle, 31 ans, talent pur, ingénieur, champion d’Europe 470, vainqueur du Tour Voile, finaliste de la Solitaire du Figaro.
Cédric Château, 48 ans, figure de la voile normande, entraîneur, barreur en TP52, vétéran de la Class40 (5e participation).
La victoire récompense deux trajectoires d’excellence et une complicité forgée dans la rigueur et l’humilité.
Douguet – Tréhin : Si prêt du but
Le duo SNSM conclut la transat en 19 j 2 h 42 min 7 s. Une course exemplaire :
victoire sur la première étape,
une route nord audacieuse,
un leadership impressionnant jusqu'à mi-Atlantique.
Mais leur trajectoire se brise sur une dorsale anticyclonique qui les fige. Le sud revient, d’abord lentement, puis irrésistiblement. La victoire leur échappe, mais leur transat reste l'une des plus solides de la saison. Leur nouveau Lombard Lift 3, auteur de trois victoires cette année, confirme son statut de référence.
Mathelin-Moreaux / Luciani complètent un podium de feu
À 22 h 55 min 42 s, Les Invincibles (Mathelin-Moreaux / Luciani) coupent la ligne en troisième position après 19 j 10 h 56 min 54 s.
Une performance magnifique pour un duo revenu de très loin, sixième à La Corogne, puis décrochés dans l’Atlantique avant une remontada au sud. Après leur abandon en 2023, ils signent une revanche éclatante.
Luciani résume :"Ce fut le pire départ de ma vie… et la plus belle de mes courses."
Une journée d’arrivées folle : sept bateaux en une heure !
Mardi, Fort-de-France a vécu un moment digne d’une étape de la Solitaire du Figaro : sept Class40 en une heure, un sprint final d’une intensité rare après plus de 5 000 milles.
Quentin Le Nabour & Thierry Chabagny ex équipier Actual Ultim' 3 (Bleu Blanc Planète Location) ouvrent le bal à 10h52. Puis suivent :– Vogue avec un Crohn– Maccaferri Futura– Amarris– Legallais de Fabien Delahay et Pierre Leboucher (équipier de Sodebo Ultim' 3) – Ekinox– Inland Roots Ocean Soul– Centrakor Hirsch
Sur les pontons, tous racontent la même chose : la fatigue, les avaries, la mer violente du nord, les fronts à répétition.
"La bagarre des 24 dernières heures, on pourrait en faire un livre de 600 pages", sourit Mikael Mergui.
Une édition particulièrement dure pour les Class40
Le départ musclé au Havre, la neutralisation au Portugal à cause d'une très grosse dépression, la mer hachée du nord, les alizés capricieux du sud… Tout dans cette édition 2025 a été exigeant.
Les phrases marquantes des skippers
Guillaume Pirouelle – Seafrigo-Sogestran : "On savait que chaque mille comptait. On a navigué comme si SNSM était juste derrière notre tableau arrière… même quand ils étaient à 900 milles au nord. L’option sud, c’était un pari mesuré. Mais à un moment, on a senti que c’était la seule façon d’aller chercher cette transat".
Cédric Château – Seafrigo-Sogestran : "Dans les dernières heures, je ne regardais plus l’horizon, je regardais le compteur. Dix nœuds… dix nœuds… Il ne fallait rien lâcher. Ce bateau, on l’a construit pour vivre ce genre de moments. C’est une victoire de marins, d’équipe, et de Normands".
Corentin Douguet – SNSM Faites un don ! : "On savait que le nord serait brutal. On a pris la route courte, pas la route facile. On n’a pas de regrets : on a joué pour gagner. Franchir trois dépressions de front, ça laisse des traces… mais ça laisse aussi une sacrée fierté".
Axel Tréhin – SNSM Faites un don ! : "Quand tu perds une transat de sept minutes après 19 jours, tu te dis que tu vas réécrire la moitié de tes choix mentaux. Mais au fond, on a fait une course magnifique. On a mené la moitié du parcours, on s’est battus jusqu’à la dernière minute : c’est ça, le Class40".
Chiffres clés – Transat Café L’OR 2025 (Class40)
4 869 milles nautiques Distance réellement parcourue par Seafrigo-Sogestran (route sud)
4 185 milles nautiques Distance parcourue par SNSM Faites un Don ! (route nord)
7 min 21 s Écart final au classement général(la plus petite marge jamais enregistrée sur une transat Class40)
28 min 59 s Écart à l’arrivée entre Seafrigo-Sogestran et SNSM à Fort-de-France
900 milles nautiques Distance latérale maximale entre les routes nord et sud des leaders
230 milles Retard maximal de Seafrigo-Sogestran lors de la descente au sud
3 dépressions majeures Affrontées par les routes nord (SNSM + 12 bateaux)
42 bateaux Flotte Class40 au départ du Havre (record)
7 Nombre de bateaux arrivés en 1 heure mardi matin en Martinique
19 j 2 h 34 min 46 s Temps cumulé du vainqueur (Pirouelle / Château)




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