Bol d'Or du Léman : une édition indécise jusqu'au bout
- Ultim Boat
- 2 days ago
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Elle n'aura pas été facile à suivre, avec un tracker qui n'affichait pas tous les concurrents en même temps, pas facile à comprendre non plus avec un TF35, qui n'était pas engagé en TF35 car optimisé pour ce Bol d'Or...

Organisé chaque année depuis 1939 par la Société Nautique de Genève, le Bol d’Or du Léman est l’une des épreuves emblématiques de la voile européenne en eau intérieure. Cette 86e édition, disputée les 14 et 15 juin 2025, a réuni 404 équipages sur le lac Léman. Elle a été marquée par des conditions météorologiques légères, une navigation stratégique, et de multiples rebondissements au fil des heures. L’épreuve a été remportée en temps réel par Realteam Spirit, barré par Jérôme Clerc, après plus de 15 heures de régate.
Un départ dans un souffle
Le départ a été donné à 10h00 précises samedi matin. Contre toute attente, un Séchard — ce vent thermique de nord-est bien connu des lémaniques — s’est levé, offrant aux 404 concurrents un souffle salutaire pour s’élancer depuis la Société Nautique de Genève. Rapidement, les TF35, les multicoques les plus rapides du lac, ont pris les devants. Parmi eux : Realteam Spirit, Ylliam 17, Sails of Change 8 et Zen Too. Realteam courant hors Classe TF35 car optimisé spécialement pour la course en étant allégé à son maximum. De plus la flotte des TF35 était scindée en deux, avec une partie en dérives droites et une autre partie ayant conservée les foils. Chez Sails of Change, le bateau de Yann Guichard était en dérive droite pour le petit temps et celui de Yvan Ravussin, remplaçant de Duncan Späth, avec ces foils au cas ou le vent serait plus soutenu qu'annoncé.
Mais la situation s’est complexifiée après Yvoire, lorsque ces favoris ont opté pour une route trop proche de la côte suisse. Ce choix tactique s’est avéré peu fructueux, et a temporairement redistribué les cartes. Des M2 plus petits, comme Swiss Medical Network, Patrimonium ou Groupe CI, ont alors pris l’ascendant, exploitant habilement les brises plus favorables au centre du lac ou sur la côte française.
Realteam Spirit reprend le contrôle
La situation a de nouveau évolué entre Évian et Le Bouveret, marque de mi-parcours située à l’est du lac. Realteam Spirit, bien que délogé un temps de la tête, a réussi à reprendre l’avantage et a franchi la barge du Bouveret après 6 heures 45 minutes et 2 secondes de navigation. Il devançait alors Sails of Change 8 de Yann Guichard et Zen Too de Guy de Picciotto d’un peu moins de dix minutes.
Dès lors, l’équipe de Jérôme Clerc n’a plus quitté la première place. Grâce à une navigation fluide, et une stratégie de contrôle particulièrement efficace, le TF35 de Realteam Spirit a maintenu son avance jusqu’à l’arrivée à Genève, coupant la ligne à 01h26 du matin, après 15 heures 26 minutes et 5 secondes de course.
Des choix techniques payants
L’équipe d’Esteban Garcia a misé sur une configuration optimisée pour le petit temps, remplaçant les foils par des dérives en C. Une décision risquée qui s’est avérée décisive. Les deux autres équipages sur le podium, Sails of Change 8 et Zen Too, avaient effectué le même choix.
C’est une victoire stratégique autant que sportive pour Realteam Spirit, qui avait fait l’impasse sur la saison du TF35 Trophy pour se concentrer sur ce seul objectif : remporter enfin ce Bol d’Or du Léman, qui leur échappait depuis leur succès de 2012.
Yvan Ravussin et son équipage à bord de Sails of Change 10, prennent la 15ème place, Franck Cammas sur Team Bacchus termine à la 9ème place, après 16 h 4 min de course.
Les autres vainqueurs et moments forts
Monocoques : le Bol de Vermeil pour Carondimonio
Le Bol de Vermeil, récompensant le premier monocoque, a été remporté par le Libera Carondimonio. Cette victoire a surpris plus d’un observateur : mené par Gauvain Ramseier et ses amis, ce voilier instable, racheté sur un coup de tête, a dominé des unités plus modernes. Il s’est imposé face au QFX de Thomas Jundt — père de Gauvain — finalement rétrogradé à cause d’un faux départ.
Philippe De Weck, avec son nouveau monocoque K2, monte sur la deuxième marche du podium. Il devance Katana, un Luthi 1090 skippé par Alain Hofer.
M2 : la régularité d’une classe performante
Les catamarans M2 ont été très en vue cette année. Swiss Medical Network (Didier Pfister) se classe cinquième au classement général, devant DCM Systematic (G. Hominal, Antoine Artiles) et Patrimonium (Loic Preitner). Leurs performances illustrent une nouvelle fois l’excellent potentiel de ces bateaux dans des conditions de vent léger.
Foilers : Bol de Carbone pour X-Wing
Le Bol de Carbone, attribué au premier voilier à foils, a été remporté par le TF35 X-Wing. Il se classe douzième au général. Ce projet porté par Marco Favale, avec à son bord plusieurs anciens d’Alinghi, a fait ses preuves dans des conditions qui ne favorisaient pas le vol.
Surprises : victoire de Fou du Vent
Avec 100 unités au départ, la classe des Surprises reste la plus populaire. Elle a été dominée par Fou du Vent de Benoît Deutsch, accompagné d’un équipage aguerri. Il s’impose devant le navigateur français Achille Nebout, tandis que Cédric Pochelon prend la troisième place.
Grand Surprises, Psaros 33, Esse 850…
Chez les Grand Surprises, la victoire revient à Flash (Maurice Gay), qui a dépassé Little Nemo (Bernard Borter) dans les derniers mètres. En Psaros 33, Patrick Herzig (Evanesse) s’impose, et dans la classe des Esse 850, David Pertuiset (Danetal) termine premier et se voit également récompenser au temps compensé.
Une régate éprouvante mais passionnante
La flotte a connu une nuit très calme, marquée par de longues phases d’attente et de concentration. Certains voiliers, notamment les monocoques et les plus petites unités, n’ont franchi la ligne d’arrivée que tard dans la matinée de dimanche.
Un épisode orageux bref mais intense a balayé le plan d’eau à 13h40, soit 20 minutes avant la fermeture de la ligne fixée exceptionnellement à 14h00 par le comité d’organisation. Plusieurs bateaux, situés à quelques encablures de l’arrivée, ont dû abandonner sous le coup de cette dernière embardée météorologique. Sur 404 bateaux au départ, 239 ont été classés, tandis que 165 ont abandonné.
Des histoires dans la grande histoire
Parmi les récits marquants : celui du Taillevent de Nicolas Engel, voilier de l’époque de l’America’s Cup (1994), qui fêtait sa 30e participation, et a terminé à la 30e place.
Ou encore celui d’Ondine, un 6,50 mètres SI construit en 1932 et skippé par Christian Monachon, qui réalise une superbe régate et termine une nouvelle fois sur le podium au temps compensé.
On retiendra aussi la régate de Christophe Magnin sur son Toucan l’Egger, 49e du classement général, ou celle d’Alex Schneiter à bord du Tête d’Abeille, un 30 mètres en bois de 1938, classé 56e.
Enfin, deux monocoques à foils — prototypes innovants mais peu adaptés aux conditions de cette édition — ont bouclé la course loin derrière, confirmant la suprématie des bateaux optimisés pour le petit temps.
Une édition fidèle à l’esprit du Bol d’Or
Le président du comité d’organisation, Yann Petremand, s’est félicité d’une édition « engagée sportivement et très agréable à terre ». La Société Nautique de Genève, accompagnée de ses partenaires et bénévoles, a offert une belle fête du lac, dans une ambiance conviviale, malgré les incertitudes météorologiques.
Un rendez-vous à ne pas manquer
Avec son mélange unique de haute performance, de patrimoine nautique et d’histoires humaines, le Bol d’Or du Léman confirme sa place à part dans le paysage de la voile. L’édition 2025 en a une nouvelle fois été l’illustration.
Pour les amateurs de course au large, de multicoques high-tech ou d’épopées maritimes humaines, les parallèles sont nombreux. Le Bol d’Or n’est pas qu’une course lémanique : c’est un concentré de ce que la voile offre de plus riche, entre technologie, stratégie, résistance et passion.
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